Un garde vint quérir Beyrac alors qu'il songeait à l'ornementation de son bureau, mandant sa présence pour accueillir une personnalité au poste de garde. Le Belleysan demanda, à tout hasard, de qui il s'agissait. Mais le garde ne sut dire autre chose que "du gratin".
Du gratin, soit.
Congédiant d'un revers de main agacé le tapissier qui allait pour proposer au Premier Archidiacre diverses étoffes et divers motifs pour agrémenter le mobilier de son bureau, il emboîta le pas du garde, l'air un peu soucieux.
Arrivé au poste de garde, il prit l'air ravi et chaleureux qui était plus proche de son naturel affable, avisa les boiseries de l'hippomobile, fit une rapide et discrète moue d'ignorance crasse en voyant l'écusson, mais en déduisit tout de même qu'il devait s'agir de quelque archevêque, vu la richesse de l'ornementation. Dans le doute, il jugea bon d'expédier un autre garde prévenir Son Eminence l'Archevêque, peut-être plus au fait que son second de cette visite. D'une voix bruyante mais chaleureuse, aux accents largement plus mondains que rustiques, il s'exclama, bras ouverts en signe d'accueil :
Bienvenue, Monseigneur, à l'abbaye Saint-Antoine !
Je suis Sigebert de Beyrac, Premier Archidiacre de la province de Vienne.
Une rapide inclinaison du chef en signe de respect pour la hiérarchie ecclésiastique. Il ferait part de son ignorance quant à l'identité précise du prélat plus tard, l'heure n'était pas à l'ingénuité.
J'espère que vous avez fait bon voyage jusqu'en ces lieux ! J'ai fait prévenir Son Eminence le cardinal-archevêque de votre arrivée.
Comment puis-je être agréable à Votre Excellence ?
Ces mots disant, il ouvrit le chemin vers l'entrée de l'abbaye ou du moins ils seraient à l'abri de la bise, particulièrement agressive à Vienne à cette époque de l'année.